Travailler pour manger... (libre)

Melyn venait d'arriver sur les lieux de son nouveau travail. Avec sa nouvelle identité, sa nouvelle "vie", elle avait réussi à décrocher un travail d'hôtesse de l'air, son profil était en tout point celui de la postulante parfaite. Elle se demandait bien ce qui allait l'attendre là-bas, n'ayant jamais travaillé dans les airs; accessoirement, elle cherchait déjà un moyen de se débarrasser de son nouveau patron, qu'elle trouvait trop attaché à elle à son goût.

Après avoir passé la barrière réservée au personnel de l'air grâce à son badge flambant neuf, elle entra dans les vestiaires pour y découvrir son casier attitré, ainsi que les douches (bizarrement, la séparation n'apparaissait pas véritablement entre les douches des deux sexes... coïncidence ?). Se changeant rapidement, elle enfila son nouvel uniforme : jupe bleue descendant au genou et lui enserrant la taille, chemisier blanc lui prenant le bras jusqu'au coude, veste bleu se boutonnant (encore bizarrement ?) sous la poitrine, foulard autour du cou, collants légers, chaussures vernies noires à talons, et son indispensable petit chapeau bleu.

Elle ressortit du vestiaire, en ayant décidé de ne pas s'attacher de suite les cheveux. La tête des 6 gardes de sécurité du poste le plus proche de son vestiaire la satisfit : au vu de l'aura qu'elle dégageait, elle devait facilement représenter le fantasme ambulant de l'hôtesse de l'air que beaucoup d'hommes se faisaient, se font et se feront encore.

Après avoir rencontré quelques collègues, s'attirant les sympathies du personnel masculin au point de provoquer la jalousie de quelques représentantes de la gente féminine, elle découvrit la base tout au long de la journée, pour se familiariser avec son environnement. Elle se plairait sûrement, ici.

Le Soleil se couchant, elle reprit la route du vestiaire pour se changer à nouveau. Ce soir, elle allait sortir. Elle avait "faim". Croiserait-elle quelqu'un sur la route pour l'accompagner jusqu'au bar ?

L'avion arrivait enfin à destination. Vincent laissa échapper un petit soupir agacé. Douze heures de vol... Heureusement qu'il n'avait personne à rencontrer à l'arrivée, sinon il n'aurait peut-être pas su se montrer juste assez aimable pour qu'on puisse parler de rencontre et pas de dispute ou même d'affrontement. Il chargea son chauffeur d'acheminer ses bagages jusqu'à sa résidence, puis descendit de l'appareil et s'écarta en fendant la foule, sans paraître remarquer les réactions que son passage suscitait chez certaines personnes. Tout cela le fatiguait... A certains moments, il regrettait amèrement d'avoir choisi de devenir acteur. Si c'était pour que tous les regards se tournent vers lui où qu'il soit...

Il ne rentrerait pas tout de suite chez lui. Le soir tombait, et la nuit s'annonçait belle. Pourquoi se priver d'une sortie nocturne ? Après tout, pour une fois que rien ne l'obligeait à aller s'enfermer chez lui... Le tournage ne commençant que la semaine suivante, il avait du temps devant lui. Mais il ne voulait pas partir par l'entrée principale, sinon il pouvait être certain d'être suivi par un certain nombre de bipèdes ennuyeux... Il fit donc un détour pour les éviter, et quitter l'aéroport par la sortie de service, où on le remarquerait moins.

Il se dirigeait vers la sortie lorsque sa route croisa celle d'une hôtesse de l'aéroport, visiblement sur le chemin des vestiaires. Il fit un écart pour éviter de lui rentrer dedans, et s'apprêtait à répliquer assez vertement lorsqu'un détail attira son attention. Non pas la beauté de la jeune fille, qui pourtant n'était pas négligeable à voir la réaction de tous les individus de sexe masculins qui la reluquaient en passant, mais le collier qu'elle portait autour du cou. L'insigne du clan Xiao Min. Son attitude se modifia insensiblement ; cette jeune fille était peut-être digne de son intérêt.

"Bonjour, mademoiselle, désolé des circonstances brutales dans lesquelles a failli se passer notre rencontre. J'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur ?"

Melyn recula légèrement, un peu surprise. Elle n'avait pas du tout remarqué la présence du jeune homme; elle pensait surtout au fait qu'elle avait "faim". Remarquant que le dit jeune homme en question avait posé les yeux sur son collier, elle le rentra prestement sous son chemisier, et se passa une main furtive dans les cheveux, le temps de reprendre contenance et de sourire un peu. De toute évidence, vu le regard qu'il avait porté sur son pendentif, il connaissait très bien sa signification.

"Je vous en prie, j'aurais dû faire plus attention à mon environnement. J'espère que je ne vous ai pas blessé ?"

Devoir jouer ce rôle l'agaçait, mais au vu du nombre de regards tournés vers eux, il valait mieux adopter l'attitude de l'hôtesse désolée face à un client de l'aéroport. D'un regard, elle espéra lui faire comprendre que, pour parler plus tranquillement, il ferait mieux de répondre par l'affirmative...

Vincent secoua la tête. Tous les regards étaient tournés vers eux, et le lieu n'était pas propice à une discussion sérieuse. Et le regard que la jeune fille lui avait lancé était tout à fait explicite... Ne pas faire un esclandre. Avait-elle deviné qu'en d'autres circonstances il en aurait été parfaitement capable ?

"Ne vous en faites pas, je n'ai absolument rien. Par contre, peut-être pourriez-vous m'aider. Je cherchais la sortie, mais je crains de m'être quelque peu égaré... En fait, je tenais à éviter la porte principale. Pourriez-vous m'en indiquer une autre, s'il-vous-plait ?"

Il avait adopté un ton poli, sans la moindre nuance du mépris dont il entourait généralement le personnel qui l'entourait, mais sans familiarité non plus, vu le rôle qu'il devait jouer. Et les rôles étaient tout de même son métier actuel. La réponse qu'il lui avait fournie lui permettrait de l'accompagner jusqu'à la sortie, et donc d'être vraisemblablement plus libres pour parler.

"Je suis désolé de vous déranger, avec tout le travail que vous devez avoir, mais je n'ai pas envie de me perdre de nouveau... Voudriez-vous bien m'accompagner jusqu'à la sortie, mademoiselle ?"

Continuant à afficher un sourire poli et courtois, Melyn hocha la tête à la demande du jeune homme, satisfaite de sa réponse. Au moins avait-il compris où elle voulait en venir, et le pire avait été évité.

"Bien sûr, je vous en prie. Accepteriez-vous de m'attendre quelques minutes, le temps que j'aille prendre mes affaires ? Je n'en ai pas pour longtemps."

Disparaissant dans un tourbillon de sourire et de cheveux noirs, Melyn réapparut deux minutes plus tard, changée, coiffée (enfin, si on pouvait parler d'être coiffée pour des cheveux un peu peignés), légèrement maquillée, et une valisette à la main. La plupart des badauds qui étaient restés furent surpris et apparemment subjugués, tant par la vitesse que par la beauté simple et éblouissante de Melyn.

Souriant de plus belle, elle invita son "hôte", d'un signe de la main poli, à l'accompagner jusqu'à une sortie très très annexe. Une fois sortie, elle soupira avant d'éclater de rire, au point de se plier en deux tant ses côtes lui faisaient mal. Se relevant et repassant une main dans ses cheveux pour le remettre un tant soit peu en ordre et faire face à son interlocuteur "privilégié".

"Ravie de vous rencontrer "enfin". Je m'appelle Melyn, enchantée."

Ses paroles s'accompagnèrent d'un sourire simple et d'une main franche tendue. Ah, les habitudes des humains, qu'elles pouvaient être singulières...

"Mais bien sûr, je vous en prie."

Vincent attendit patiemment qu'elle revint, encore qu'il n'eut pas véritablement à attendre, au vu de la vitesse avec laquelle elle se changea. Il la suivit jusqu'à la sortie, où heureusement il n'y avait plus personne. Il soupira légèrement, soulagé que personne ne l'ait reconnu, sinon, ils auraient certainement eu droit à un comité d'accueil à la sortie. Qu'est-ce que la présence de tous ces humains, grouillant presque partout, était désagréable... Bon, en même temps, il se trouvait dans une ville humaine, il ne pouvait pas s'attendre à grand-chose d'autre... Il accepta la main qu'elle lui tendait et se présenta à son tour, indiquant en même temps son véritable nom et l'identité qui était la sienne actuellement.

"Je suis Aaron Kristianson, mais en ce moment, on m'appelle plutôt Vincent Keynes. Ne seriez-vous pas la nouvelle reine du clan Nosferatu de Chine, les Xiao Min ?"

Même lui, qui ne s'occupait que très peu des affaires des vampires, avait entendu parler d'elle. S'il se souvenait bien, cela faisait quatre ans qu'elle avait pris la tête de sa famille. Cela faisait un moment qu'il n'avait rencontré aucun de ses semblables, et pouvoir de nouveau parler à quelqu'un librement lui plaisait, chassant peu à peu l'irritation causée par le long vol qu'il venait de faire.

Retirant sa main de celle d'Aaron, alias Vincent, elle répondit à sa question par un sourire énigmatique.

"A vous d'en juger..."

Scrutant rapidement la rue pour voir si personne n'y trainait, elle fit un pas en avant de se tourner une nouvelle fois vers son compagnon.

"Puis-je vous en demander un peu plus sur vos origines, "Vincent" ?"

Sa gorge commençait déjà à la picoter. Cela faisait plus de 3 mois qu'elle n'avait pas "mangé", et il lui devenait difficile de continuer à maîtriser ses pulsions vampiriques. D'autant plus que, maintenant qu'elle était à domicile fixe pour les 5 prochaines années à venir, elle pourrait se nourrir plus régulièrement.

"Accepteriez-vous de marcher un peu avec moi ? J'ai légèrement "soif", nous pourrions aller prendre une collation pour nous détendre..."

Vincent sourit, amusé par la réponse de Melyn. A lui de juger ? Et comment était-il censé juger... ?

"Je ne suis pas un sang pur, si c'est la question que vous vouliez me poser. J'ai été transformé durant le XVI° siècle par un nosferatu du clan roumain. Depuis sa mort... Je ne participe plus à la politique."

Il étira doucement ses muscles engourdis par le long trajet. Le soleil était entièrement couché à présent, et les rues autour d'eux commençaient déjà à se remplir de cette ombre qui était devenue sa vie depuis cette date. Une promenade à travers la ville, à ce moment de la journée, ne pouvait qu'être agréable. De plus, c'était son projet originel.

"Je n'y vois aucun inconvénient. Il est même fort possible que je vous accompagne dans votre collation, je n'ai guère pu me nourrir régulièrement ces derniers temps, étant accaparé par une réalisatrice assez... tenace, qui tenait à tout prix à m'ajouter à ses conquêtes. Mais là n'est pas le sujet..."

Le souvenir de cette femme l'agaçait et l'amusait en même temps. Il n'appréciait pas être considéré comme une proie, singulière inversion des rôles, et ses attentions tout sauf innocentes n'avaient suscité en lui qu'énervement. Mais elle lui avait tenu lieu de repas une nuit, sans qu'elle n'en garde le moindre souvenir, et son sang avait été relativement agréable.

"Comme je viens d'arriver dans cette ville, je ne connais aucun endroit agréable pour se nourrir à cette heure. Peut-être en savez-vous plus que moi, Melyn ?"

Melyn agita légèrement la main comme pour éloigner une mouche, en lui souriant légèrement.

"Ces "origines" là m'importent peu, Vincent (ou préférez-vous Aaron ?). Je tenais juste à savoir d'où vous veniez, et ce qui vous a conduit jusqu'ici... Pour moi vous êtes vampire à part entière, c'est tout ce qui compte."

Melyn n'aimait pas vraiment toutes ces histoires de "sang-pur". Se gargariser d'avoir un sang dit pur... Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Cela impliquait surtout que la personne qui se présentait comme n'en étant pas un impliquait une souillure qui n'avait pas lieu d'être. En grandissant dans sa famille, elle apprit vite que l'important n'était pas l'origine, mais les compétences.

Elle fut sortie de ses pensées par Vincent, qui avait recommencé à parler. Son sous-entendu la fit rire doucement. Les personnes "tenaces", elle connaissait bien ça, pour en avoir côtoyé un certain nombre...

"J'espère au moins qu'elle ne l'a pas trop été. Les personnes s'accrochant trop juste pour leur gloire personnelle sont d'un ennui..."

S'étirant les bras, elle se pencha un peu vers le sol, faisant à nouveau ressortir son pendentif, qui luisait sur sa poitrine, baigné par la lumière du soleil couchant.

"Eh bien... Tout dépend de comment vous les "aimez". J'ai déjà pris l'initiative de faire un peu de repérage, il y a un nombre de lieux assez variés. A vous de choisir."

D'où il venait... Venait-il réellement de quelque part ? Il eut une légère moue, puis répondit à la question de Melyn.

"Vincent ira très bien, puisque c'est mon identité actuelle. D'où je viens... Question difficile. Bien que ce soit difficile à croire, au départ, j'étais suédois. Mais depuis, j'ai voyagé dans tant de lieux que je ne peux pas dire que l'un d'eux soit particulièrement le mien. Quant à la raison de ma venue ici..."

Le jeune homme s'étira doucement à nouveau, étendant ses bras devant lui.

"Je suis acteur, et je vais donc là où les tournages m'appellent. Cette fois, il s'agit justement d'un film de vampire, il me semble. A moins que ce ne soit le suivant... Je dois bien dire que j'ai parfois du mal à me repérer dans tout cela... Attendez... Non, c'est bien le film sur les vampires, je ne me trompe pas."

Le vampire eut un léger rire et précisa :

"Oh, non, j'ai trouvé un moyen pour être tranquille pendant un moment... Inutile de préciser lequel, j'imagine..."

Il se tourna vers la ville, observant avec plaisir les ombres des toits, visible à la lumière des étoiles. La nuit s'annonçait plaisante, et il avait hâte de se mettre en route. Cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas fait d'expédition nocturne...

"Vous savez, à force de voyager, j'ai pris l'habitude de me nourrir de tout. Mais j'apprécie le sang jeune, il a un effet revigorant plus prononcé à mon goût."

Le regard de Melyn s'éclaira lorsqu'il parla du fait d'avoir été suédois avant sa transformation.

"La Suède ? Quel magnifique pays ! J'y ai séjourné quelques années, avant de retourner en Chine. Cela faisait longtemps que je n'avais pu y aller..."

Se perdant quelques instants dans ses pensées, elle reprit rapidement ses esprits, et s'avança légèrement vers Vincent pour lui offrir un sourire à la fois chaleureux et mystérieux.

"N'oubliez pas que, peu importe vos origines ou non-origines, il y a toujours un endroit pour vous accueillir afin que votre cœur puisse s'y reposer... Les portes de ma demeure vous sont ouvertes, si d'aventure vous veniez à passer par la Chine...!"

La dernière remarque de Vincent lui arracha un éclat de rire. Ils étaient apparemment un certain nombre dans le même cas...

"En ce cas, je vous propose un bal. Il y a là-bas de nombreux jeunes gens en très bonne condition physique, et l'alcool y est prohibé, préservant la qualité du sang. Malheureusement, il nous est impossible d'y aller trop souvent, nous serions très facilement repérés..."

Esquissant un léger pas de danse, elle tournoya sur elle-même avant de se tourner à nouveau vers Vincent.

"Pour ce soir, vous serez mon frère, puisque vous avez les mêmes cheveux et les mêmes yeux que moi. J'espère que vous avez prévu un costume adéquat, et que vous savez danser !!"

Un léger rire moqueur et amusé s'éleva dans la nuit tombante. La soirée s'annonçait extrêmement prometteuse.

Vincent eut un sourire légèrement amer, tandis que son visage s'assombrissait pour la première fois depuis qu'il avait croisé Melyn.

"Malheureusement, l'endroit où mon coeur aspirait à se reposer n'est plus... Car une demeure sans maître n'a plus le même statut. Or, l'homme que j'ai admiré au point d'en faire mon maître est mort il y a maintenant fort longtemps... Néanmoins, je vous remercie de votre invitation. Peut-être pousserai-je l'impolitesse jusqu'à en profiter, si d'aventure je me retrouve en Chine."

La proposition de Melyn le tenta. Un bal ? Belle manière de conjuguer plusieurs plaisirs, celui de la musique, du corps et du repas en même temps. Il sourit, sincèrement cette fois, et répondit :

"Ne vous en faites pas, j'ai appris à danser. Tant que je ne confonds pas les danses des différents époques que j'ai traversées, il ne devrait pas y avoir de problème. Quant au costume, je ne l'avais pas précisément prévu, mais si vous me laissez le temps de passer chez moi, je devrais bien trouver des habits convenables dans mes bagages. Par contre... Bien que j'eusse été honoré de passer pour votre frère, mais cela m'étonnerait qu'aucun des gens jeunes présents là bas ne me reconnaissent... Le métier d'acteur a des désagréments, dont celui d'avoir plus de difficultés à passer inaperçu..."

Il repoussa une mèche de cheveux venu obscurcir sa vision. Oh, être reconnu ne lui posait pas particulièrement de problème, mais il était de notoriété publique que Vincent Keynes n'avait aucune famille. Le voir arriver soudainement avec une soeur aurait pu en choquer certains... Il ajouta avec un sourire, sur le ton de la plaisanterie :

"Si vous n'avez pas peur des rumeurs que cela pourrait déclencher, nous pouvons toujours nous faire passer pour fiancés... Évidemment, vous pourriez avoir plus de mal à être tranquille à l'avenir, avec tous les journalistes à sensation qui vous sauteraient dessus dès que vous mettriez un pied dehors !"

Posant une main sur sa hanche, elle fit une légère moue. Être la fiancée de Vincent Keynes....

"Ne le prenez pas mal, mon cher Vincent, car ce n'est certainement pas ce qui me dérange. Le seul petit problème, c'est que si nous passons pour fiancés... Enfin, je ne voudrais pas être prétentieuse, mais les vampires sont toujours beaucoup plus beaux que les humains, et... Vous en êtes sans aucun doute la preuve la plus évidente. Si nous nous présentons comme fiancés, les jeunes gens que nous pourrions repérer comme étant un diner de choix considéreraient qu'ils n'auraient aucune chance face à l'un d'entre nous."

Melyn, qui aimait toujours prendre soin d'elle et bien s'habiller, savait qu'une magnifique robe de bal l'attendait déjà dans son armoire. Bien qu'elle n'arrivait certainement pas à la cheville de ses robes chinoises, qui resplendissaient à chaque fois qu'elle en portait une, mais uniquement lorsqu'elle rentrait chez elle, chez les Xiao Min.

"Bon, dans ce cas nous serons... amis ?"

Melyn lui sourit tendrement. C'était apparemment la meilleure solution, qui pourrait peut-être se révéler réelle par la suite.

"En ce cas, je vous attendrai devant... hm... Où puis-je vous trouver, par ailleurs ?"

Vincent sourit, amusé par l'aplomb de la jeune fille.

"Oh, vous savez, je crois que bien des jeunes filles auraient tenté leur chance, uniquement alléchée par la renommée. Mais vous n'êtes pas prétentieuse, puisqu'il s'agit d'une simple vérité... Je pourrais vous retourner votre compliment, mais je crains que cela ne sonne artificiel... Oh, tant pis, autant que je me jette à l'eau, Melyn, puisque vous êtes la plus belle vampire que j'aie jamais vue, donc, effectivement, sans comparaison aucune avec n'importe quelle humaine. Cela dit sans vouloir vous faire la cour."

Ami ? Une solution raisonnable et rationnelle. Habituellement, Vincent n'appréciait pas tellement ces deux caractéristiques, mais, comme ils se rendaient dans le monde des humains pour manger, mieux valait faire comme eux. Or, difficile d'être plus rationnel et raisonnable qu'un humain ordinaire. Et ennuyeux, cela allait sans dire.

"Cette solution me va parfaitement. Quant au lieu pour nous retrouver... Hmm... Je ne sais pas. Je vous l'ai dit, je viens d'arriver en ville, je serais donc incapable de vous donner le moindre nom. Mais si vous me suggérez un endroit, je serai capable de me repérer pour m'y rendre. Voulez-vous que j'aille vous prendre chez vous dans un moment ?"

Le jeune vampire sourit doucement. La soirée s'annonçait passionnante... Et la compagnie de Melyn n'était pas pour lui déplaire, bien au contraire. Pour une fois qu'il rencontrait quelqu'un digne de son intérêt - et encore, cette formule paraissait relativement froide... Oui, peut-être bien allaient-ils devenir amis, au bout du compte. Après tout... Pourquoi pas ?

Melyn lui répondit par un sourire, une légère rougeur ne pouvant pas apparaître sur ses joues; bien que si elle eut été humaine, elle aurait certainement réagi de cette manière.

"Je vous remercie de ce compliment, puisqu'il est sincère. Je suis vraiment touchée, je n'ai, au risque de paraitre bizarre, pas souvent l'occasion d'en entendre d'aussi sincères et charmants."

Malgré sa réticence à lire les pensées, elle ne put s'en empêcher tant Vincent pensait fort. Il devait apparemment avoir l'habitude d'avoir de nombreux raisonnements intérieurs, rendant sa voix spirituelle très puissante. Impressionnant... Et très intéressant. Vincent promettait d'être un allié non négligeable, si un jour besoin était.

"Dans ce cas, faisons cela. Retrouvons-nous sous la grande fontaine, à l'Est de la ville. Elle est est sur la place centrale, vous n'aurez aucune peine à la trouver, on ne voit qu'elle au bout des routes y menant. Ne croyez pas que je ne souhaite pas votre présence chez moi, mais il vaut mieux attendre que ma... concierge soit couchée, afin d'éviter les ragots. Surtout que je suis la "jolie petite nouvelle", alors..."

En repensant à cette petite vieille, Melyn eut un sourire amusé. C'était surement l'une de celle qu'elle ne mordrait jamais. Melyn s'attachait difficilement aux personnes de sexe opposé, mais pour les femmes, c'était une autre affaire. Enfin, tout dépendait de la manière dont on comprenait "s'attacher"...

"Je vous dis à tout à l'heure, dans ce cas. A moins que vous ne souhaitiez que je vous accompagne jusqu'à chez vous ? Je ne doute pas de votre sens de l'orientation, mais savoir où trouver des congénères est toujours utile. Bien entendu, je vous rendrai la pareille en vous montrant ma demeure, mais... Après le bal."

Melyn conclut sur un sourire entendu, qui n'entendait aucune discussion concernant le moment auquel Vincent pourrait venir chez elle.

Vincent la regarda avec un léger sourire en coin.

"D'accord, je trouverai. Etrange, tout de même, que vous ne craigniez pas les rumeurs que pourraient faire naître les journalistes - car vous m'aviez bien dit que ce n'était pas cela qui vous dérangeait, je ne me trompe pas ? - mais que vous ne vouliez pas offenser la pudeur de votre concierge... Enfin, si cela vous évite des ennuis, je peux comprendre."

Après tout, lui ne s'était jamais intéressé aux humains, mais cela ne voulait pas dire qu'il déniait aux autres ce droit. Simplement, il n'avait ni le temps ni l'envie de penser à eux. Il invita d'un geste Melyn à l'accompagner.

"Mais bien sûr, venez, si vous le désirez. Il ne sera pas dit que je vous aie une seule fois fermé ma porte, quelle que soit la maison qui se trouve derrière celle-ci. Comme cela, nous découvrirons ma maison ensemble !"

Le vampire eut un léger rire. L'absurdité de sa phrase était indéniable, mais cela ne changeait rien à la vérité des choses. Il expliqua :

"Je vous assure que je ne me moque pas de vous. Je n'avais jamais eu besoin de venir dans cette ville jusqu'à présent, donc, bien que je possède cette maison depuis quelques années, je n'y ai jamais mis les pieds. J'ai juste envoyé quelqu'un pour la préparer, il y a une semaine. J'espère qu'il aura tout préparé convenablement... Enfin. Vous avez raison, il est toujours bénéfique de savoir où se trouvent nos semblables. Dans le pire des cas, cela permet de ne pas empiéter sur le territoire de chasse des autres, dans le meilleurs des cas... On peut y trouver des amis, ou des alliés, selon les besoins de la situation. Mais, même en dehors de ces considérations, je suis heureux que vous m'invitiez chez vous après le bal..."

En réponse au "pic" de Vincent, Melyn lui répondit avec le plus grand sérieux :

"Vous ne le savez peut-être pas, Vincent, mais les commères sont pires que tous les journalistes qui puissent exister. Avec elles, les informations, les ragots, les rumeurs, tout va à une vitesse incroyablement rapide. Mais le véritable problème, voyez-vous, c'est qu'elles sont soit toutes pour vous, soit toutes contre vous. Et si vous avez le malheur de vous en faire des ennemies... Mieux vaut rapidement déménager, parce que vous ne pourrez jamais remettre les pieds dans la ville sans qu'une menace ne pèse sur vous. Leur jugement est implacable et sans appel, et, une fois que vous êtes repéré..."

Reprenant son souffle, elle tourna son regard vers le ciel, qui commençait à s'étoiler.

"Les humains sont très cruels, vous savez. Mais ici, c'est incroyablement démontré. Avec les journalistes, ou la police, il suffit de se cacher un certain temps, changer d'identité, et ils finissent par abandonner. Alors qu'elles... Je ne veux pas me faire d'ennemis, même humains. Pas maintenant. J'ai grandement besoin de pouvoir me poser, respirer un peu."

Un léger sourire peiné s'afficha sur son visage. Tournant le dos à Vincent, il ne put le voir, et, lorsqu'elle se retourna, elle affichait un sourire joyeux. Elle ne voulait penser qu'à sa soirée, qui se laissait désirer. Il était temps qu'elle commence, Melyn en avait réellement envie.

"Bref, peu importe. Nous nous retrouverons donc à la grande fontaine ? Dans ce cas, partons de suite pour votre maison. J'ai hâte de la découvrir ! Y allons-nous ?"

Pour appuyer ses paroles, elle les accompagna de quelques pas vers l'avant. Il était temps d'y aller.

Le regard de Vincent s'assombrit, en même temps que l'expression de Melyn. L'état de vampire n'était pas toujours un avantage, et, même si les humains étaient faibles par rapport à eux, ils avaient pour eux l'avantage du nombre. Et le plus cruel n'était pas toujours celui qui le paraissait... Il avait déjà assisté à la torture dont étaient capable les humains. Aucun vampire n'aurait osé faire subir une chose pareille à un être vivant. Du moins, lui en était incapable...

"Vous savez... Tout dépend de sur qui vous tombez... Il y a des humains, partout, qui sont incapables d'abandonner quand ils ont commencé quelque chose. Que ce soit dans la police ou ailleurs... J'ai déjà eu à subir les médisances de nombre d'êtres humains, et je ne nie pas leur efficacité. Mais j'ai aussi eu affaire à des policiers, voire pire, qui ne voulaient pas abandonner la traque. Mais bon, ne parlons plus de sujets qui finiraient par nous rendre tous deux incapables d'apprécier cette soirée."

Oui. Inutile de penser à ceux qui avaient tué son maître, pas plus qu'à l'autre homme, celui qui le cherchait toujours. Il suivit Melyn lorsqu'elle commença à marcher. Le passé était une chose bien encombrante.

"Oui, allons-y. Puisque vous connaissez mieux la ville que moi, peut-être pourrez-vous effectivement m'aider à ne pas faire de détours pour la trouver. Tenez, voici l'adresse."

Il lui tendit le carré de papier sur lequel était inscrit l'adresse de sa demeure, au cas où il l'ait oublié.

Melyn prit le papier avec un sourire de remerciement. Vincent était un vampire avec du coeur. Effleurant sa main au passage pour lui offrir un peu de réconfort, elle leva le papier au niveau de son regard. Etait-ce une plaisanterie ? Cette maison ?

"Hem. Ne le prenez pas mal, Vincent, mais cela risque d'être... plus compliqué qu'il n'y parait. L'adresse que vous m'avez donnée... Cette maison existe, je vous rassure. Le seul petit problème, c'est qu'elle a été classée patrimoine de la ville. J'espère que vous avez votre titre de propriété sur vous..."

Melyn soupira. Des complications en vue. Oh, rien de bien grave, ce serait sûrement facilement réglé. Mais devoir se présenter devant le maire pour lui faire comprendre que cette maison appartenait à quelqu'un, un acteur plus précisément, tout cela allait faire du raffut.

"La personne que vous avez envoyée... Vous en avez eu des nouvelles, récemment ?"

Vincent réfléchit rapidement. Est-ce qu'il avait eu des nouvelles... ? Difficile à dire, il ne prêtait que peu d'attention à ce genre de détails...

"Je pense qu'il m'aurait contacté s'il avait eu des problèmes, et je l'aurais certainement retenu."

Patrimoine de la ville ? Allons bon... Comme si cela changeait quoi que ce soit aux destructions innombrables réalisées par les humains... Enfin, ils avaient toujours aimé dire le contraire de ce qu'ils faisaient, alors...

"Etes-vous sure que cela pose un quelconque problème ? J'ai déjà rencontré le maire à quelques reprise, et je doute qu'il fasse la moindre difficulté. D'autant que mon chauffeur s'est directement rendu chez moi depuis l'aéroport pour y déposer mes bagages. S'il avait rencontré des difficultés, il m'en aurait informé. Or, vous serez certainement d'accord avec moi que mon téléphone n'a pas sonné depuis notre rencontre."

Il le sortit de sa poche pour vérifier rapidement. Non, personne n'avait tenté de le joindre. Mais une autre idée commençait à faire son chemin dans son esprit.

"Dites-moi... Cela fait-il longtemps que cette maison a été classé patrimoine architectural... ?"

"A mon avis, cela pourrait effectivement constituer on contre-temps assez important. Les bâtiments passant "patrimoine de la ville" sont assez difficiles à récupérer... Enfin, si vous aviez votre titre de propriété avant que la maison ne soit classée, cela ne devrait pas être trop compliqué."

Melyn haussa un sourcil avant de rire jaune à la remarque de Vincent. Le maire ?

"Le maire ? Un pourri, oui !!" Cracha-t-elle. "Et de la pire espèce qui soit. Je n'ai jamais rencontré un européen aussi corrompu simplement pour se hisser un peu plus haut dans la hiérarchie depuis des années. Mais peut-être parlons-nous d'un maire différent. Celui-ci est en poste depuis 6 mois, quelques mois avant mon arrivée. C'est lui qui a fait classer la maison en patrimoine de la ville. Il veut certainement essayer de se l'approprier..."

Melyn soupira, laissant échapper un légèrement grognement rauque. Elle n'était pas du genre à détester les humains, mais celui-là était l'une des rares exceptions confirmant la règle.

"Elle est classée depuis 4 mois. Le maire l'a faite passer patrimoine de la ville deux semaines après mon arrivée."

Mais, au fond, qui sait, peut-être que la personne envoyée par Vincent avait su s'en tirer sans soucis ?

"Effectivement, votre téléphone n'a pas sonné. C'est sûrement bon signe. Seulement, par précaution, je vous conseillerais d'aller faire un tour du côté de la villa de Monsieur le Maire, au cas où. Avec lui, on ne sait jamais..."

Vincent soupira légèrement. Toutes ces luttes des humains pour accéder à un peu plus de pouvoir l'avaient toujours profondément ennuyé. Il trouvait cela tout simplement pathétique, sans y mettre le même feu que Melyn.

"J'imagine qu'il n'y a rien d'autre à faire qu'aller le voir ? Puisque vous avez l'air bien au courant de la situation dans cette ville, vous saurez sûrement mieux que moi ce qu'il est bon de faire."

L'inquiétude de Melyn l'avait tout de même étonné. Il demanda :

"Est-ce que vous pourriez me préciser jusqu'à quel point cet homme serait capable d'aller pour s'approprier cette maison ? Parce que s'il est aussi corrompu que vous le dites, je ne vois pas pourquoi il risque un scandale en essayant de récupérer la maison d'un acteur connu et adulé par de nombreuses personnes..."

La modestie n'ayant jamais été la qualité première de Vincent, il avait prononcé sa dernière phrase sur un ton tout à fait égal. Toute cette histoire l'inquiétait tout de même. Du moins, tant qu'il ne serait pas certain qu'Il n'était pas derrière tout cela... Ce qui avait pu arriver à son envoyé, par contre, ne le touchait que très peu, voire pas du tout.

"En tout cas, ce maire a le gros défaut de gâcher cette soirée, qui s'annonçait très agréable..."

Un sourire aux canines pointues éclaira la nuit lorsqu'un rayon de Lune vint s'y miroiter. Melyn venait d'entrevoir une possibilité assez peu désagréable.

"Certainement parce que cet imbécile va essayer de vous la rendre contre une "compensation" en or... Mais j'ai mieux à proposer..."

Relevant légèrement ses cheveux, elle se laissa baigner par la lumière de la Lune qui se dévoilait enfin, faisant légèrement scintiller sa peau blanche. Melyn adorait cela. Prendre des bains de Lune n'avait rien de déconseillé pour un vampire et ce symbole du calme, de la nuit, de son monde, l'avait toujours fascinée.

"Je ne sais pas jusqu'où il peut aller. Mais ce qui est certain, c'est que cet homme se laisse corrompre par un rien. Et, sans vouloir me vanter, il se pourrait que mes charmes l'embrouillent assez pour vous rendre votre résidence sans éclat... D'autant qu'une légère morsure lui fera oublier notre présence, et nous pourrons alors profiter de notre soirée comme il se doit. Elle est loin d'être gâchée, mon cher Victor... Il ne s'agit que d'un léger contretemps, en fin de compte."

Lâchant à nouveau ses cheveux, ils se déployèrent sur ses épaules, ondulant légèrement. Melyn avait ainsi l'air d'une déesse au côté bestial envoutant; tout être humain qui se serait risqué à l'approcher s'y serait brûlé. Puisque la partie avait commencé, autant jouer !

Vincent contempla Melyn avec un sourire. Au vu de son expression, et du charme envoûtant de sa beauté, il n'aurait voulu pour rien au monde se trouver à la place de sa proie. Rien que le mouvement de ses cheveux ondulant sur ses épaules en auraient rendu fou plus d'un. Il lui fit remarquer, amusé :

"Il en faut beaucoup pour vous satisfaire... Vous avez le choix entre deux prénoms pour me désigner, Vincent ou Aaron, mais vous tenez absolument à me baptiser d'une autre manière ? Oh, je n'ai rien contre le prénom de Victor, bien que je ne crois pas l'avoir déjà adopté au fil de mes identités successives..."

Le jeune vampire ôta une mèche qui s'était coincée dans les plis du tissu de son bandeau et tourna le visage vers la lune. Melyn avait l'air de partager avec lui cette attirance pour l'astre des nuits. Mais, après tout, quoi de plus banal pour un vampire... ? Ceux de leur race n'allaient tout de même pas apprécier le soleil, si ?

"Ma foi, allons-y, alors. Autant prendre les choses du bon côté et nous amuser de ce contre-temps, puisque cela est possible. Je vous accompagne jusqu'à sa demeure, puis je vous laisserai seule. Vous serez bien plus à même d'arriver à vos fins, je pense. Et puis j'aurai quelques petits détails à vérifier pendant ce temps, donc si cela ne vous dérange pas..."

Oui. Vérifier qu'il n'était pas mêlé à cela. La vérification serait facile, et autant ne pas faire perdre de temps à Melyn.

Melyn eut un rire en voyant l'expression de Vincent. Il était vrai qu'elle n'avait pas pris la peine de lui expliquer le pourquoi du comment. Lui souriant gentiment, elle se rapprocha de lui pour lui faire part de son idée.

"Ne m'en veuillez pas, je l'ai fait exprès. Je pense, même si cela n'engage que mon avis, que vous devriez adopter un autre nom ne serait-ce que pour la soirée avec le maire. Avec un peu de maquillage, tout serait arrangé, et personne ne vous reconnaîtrait. Et Victor est le premier nom qui m'est venu à l'esprit, alors..."

En marchant, ils avaient fini par arriver devant un gigantesque dépôt, ce qui arrangeait beaucoup Melyn. C'est ici qu'elle avait entreposé la plupart des objets et autres qu'elle emmenait avec elle à chaque déménagement, et son appartement n'étant pas encore aménagé, elle y avait laissé un nombre important de ses affaires. Et l'une d'elles l'intéressait au plus haut point.

"Laissez-moi vous expliquer. Nous nous trouvons ici dans un "lotissement" de dépôts, comme je m'amuse à l'appeler. J' y ai stocké un grand nombre d'affaire, dont des vêtements, et surtout du maquillage professionnel. Je ne me considère pas encore comme telle, mais je compte le devenir une fois ma carrière d'hôtesse de l'air terminée. Si je vous maquille et que j'enfile rapidement un robe assez... Suggestive... Nous pourrions éventuellement nous faire passer pour un couple fortuné potentiellement acheteur."