Chasse Nocturne [PV Libre]

La nuit était là, sombre, opaque et mystérieuse. Drapée derrière le velour des nuages, la lune se laissait désirée.
Elle se savait impérieuse, ce soir plus qu'un autre puisque son ventre était ronds, pleins et ce pour les trois jours qui allaient arrivé.
Les créatures de la nuit le savaient bien, l'avaient vue, soupirait sous ses rayons.

Les faibles se cachaient, les proies se terraient au plus profonds de leur terriers, s'y sentant plus en sécurité. Même si ce mot était dérisoire. Si on voulait d'elles, on saurait où les dénicher. Peut importe la solidité de leur cachette.

Depuis plusieurs heures, Tania s'y trouvait aussi, dans cette forêt. Elle se baladait, tantôt nue et droite, tantôt revêtue de sa fourrure et à quatre pattes. Pour l'heure, elle était sous sa forme humaine, nue et resplendissante avec cette aura mystique et animale. Ses cheveux étaient drus et emmêlés de feuilles, sa peau parcheminée de trace de boue et sur ses lèvres flottait un éternel sourire offert à l'éternel. Accompagnée dans sa marche par quelques prédateurs tapis dans les ombres, elle sifflotait un air lugubre sorti d'un x film d'horreur. De temps en temps s'échappait un rire cristallin et chaud d'une sensualité libérée. Elle se sentait bien et complète, l'air frais caressant la courbe de ses fesses, la lumière jouant sur son visage au jeu du chat et de la souris. Seule constante, ses deux pupilles vairons : l'une verte, l'autre jaune.

Si son corps était à l'apogée du bien être et de la féminité, son esprit n'en était pas pour autant en reste. Comme chaque mois, elle redevenait lucide et un peu plus "humaine". Saan, bien que plus présent, ne torturait plus son esprit et était à côté d'elle, lui permettant de se retrouver une. Enfin ....

Arrivée prés d'un cours d'eau, elle se laissa tomber à quatre pattes et se mit à laper goulument l'eau qui la désaltérait mieux que le vin le plus capiteux et le plus cher. Le goût du sang se diluait peu à peu, passant de sa bouche à sa gorge, nettoyant ses dents. Après une courte plongée pour se rafraichir le visage, elle s'assit sur ses talons et ferma un peu les yeux. Savourant le moment présent.

- Ce n'est pas très poli d'observer les gens sans se présenter, dit-elle doucement en se tournant dans la direction de l'inconnu(e).

Arandjel surveillait depuis un moment cette jeune femme qui errait dans la forêt. Les soirs de pleine lune comme celui-ci, il ne parvenait pas à rester enfermer dans sa chambre, craignant de perdre le contrôle de lui-même et de se transformer au moment où quelqu'un lui rendrait visite, même si cela n'arrivait jamais. Mais l'être humain n'avait jamais été raisonnable, et la raison n'était pas la caractéristique principale des animaux, alors pourquoi l'aurait-il été spécialement ? Les multiples transformations de cette femme l'avaient troublé. Comment pouvait-elle sembler aussi à l'aise avec ce qui était pour lui une douloureuse malédiction... ? Lorsqu'elle lui adressa la parole, il s'avança de quelques pas en sa direction.

"Je me demandais ce qui amenait quelqu'un à se promener si longtemps dans cette forêt, en pleine nuit. Quant à me présenter... Que dire ? Je suis le garde forestier, je m'appelle Arandjel Vlahovic... Et je suis comme vous."

Un éclat de lune, tandis qu'il avançait, passa sur son visage, et il serra les poings pour refuser l'appel que l'astre des nuits exerçait sur lui. Hors de question de se transformer. Il n'allait pas céder maintenant. Même si la présence d'un autre loup-garou accentuait son envie de se transformer, son désir incontrôlable. Il ne pouvait s'empêcher de désirer sa forme animale, même si son esprit le refusait catégoriquement. Le mieux était peut-être de faire diversion en discutant avec cette inconnue...

"Et vous, qui êtes-vous ?"

Un homme s'avança. Un mâle de sa race. Elle sentit son odeur rouler sur elle comme un chien flairant une piste. Un léger frisson fit se dresser les poils de son corps et elle réprimanda un grognement ravi. Il ne fallait pas oublier que le loup était un animal de meute, fait pour vivre en société auprès de ses congénères. Et même si elle ne connaissait pas son odeur, elle l'appréciait pour ce qu'elle était. Elle suivit du doigt l'odeur qui semblait s'attarder sur son ventre, tracant une arabesque sur son nombril avant de revenir vers sa bouche et s'y engouffrer. Avide elle dardant sa langue et lapa le bout de son doigt. Une fois. En prenant bien soin de regarder l'homme en face d'elle.

Il semblait sûr de lui, mais une infime inquiétude plissait imperceptiblement son front. Son sourcil droit se dressa. Était ce elle qui le dérangeait?

- On me nomme Tania maître forestier, Tania Melbur. Mais parfois aussi Saan, selon les phases de Mère...

Elle lui offrit un sourire lascif, jouant des mots et des sens. Il ne comprendrai pas qui était Saan, oh non il n'aurait même jamais l'idée d'y songer. En parlant du loup, elle entendit sa voix, quelque part dans les bois. Se tendant pour l'écouter, elle tourna son regards vers les ténèbres. Non, pour ce soir ce n'était rien.

- Tout à l'heure Saan ... se murmura t-elle

A nouveau elle fit attention à l'homme qui n'avait pas bouger.

- Arandjel ... répétat-elle, faisant rouler les sons sur sa langue comme pour les déguster, je ne vous ait jamais croisé avant, n'aimez vous donc pas Mère ? Il n'est jamais bon de refuser son Don ... Elle est capricieuse ...

Les pupilles dilatées à l'extrême, elle lui offrit son sourire le plus perturbant

Arandjel l'écouta se présenter, surpris par sa manière de le faire. Tania, ou Saan... ? Il fronça les sourcils, ne comprenant pas ce qu'elle voulait dire par là. Mais, visiblement, il n'avait aucun moyen de comprendre, aussi laissa-t-il passer l'allusion. Il s'avança encore de quelques pas et s'assit d'un mouvement souple au bord de l'eau. Il n'avait pas mis de veste avant de sortir de la cabane, et les rayons de lune mouchetaient sa peau bronzée de tâches pâles et lumineuses. Il rejeta ses longs cheveux dans son dos et trempa sa main dans l'onde, sans répondre tout d'abord à la question de Tania. Quelque chose le troublait. Mère... Voulait-elle parler de la nature ? Il tourna légèrement la tête vers son interlocutrice, sans la regarder véritablement en face.

"Je sors peu de chez moi. Mais je ne suis pas certain de l'identité de celle que vous appelez Mère. La seule personne à laquelle j'accepte de donner ce nom est une humaine, ma mère biologique. Mais je sais bien que vous ne faisiez pas allusion à elle... Peut-être pourriez-vous m'expliquer de qui vous parlez ? Je pourrais alors peut-être vous donner une réponse adéquate."

Le jeune loup garou puisa de l'eau dans ses mains et la fit lentement couler sur son visage, savourant la fraîcheur du liquide sur sa peau. Pourquoi lui avait-elle sourit comme cela ? Qui était-elle ? Elle le mettait relativement mal à l'aise, sans qu'il sache réellement pourquoi. Ce n'était pas la peur de lui faire du mal, comme avec les humains. Peut-être était-ce simplement le fait de rencontrer quelqu'un comme lui, pour la première fois, mis à part le loup-garou qui l'avait mordu...

"Êtes-vous venue profiter du clair de lune dans ces bois ?"

Parler. Peu importait les paroles prononcées, mais parler. Pour écarter ces sensations sur sa peau, qui augmentaient son désir de revêtir sa forme animale. Pour oublier cette étrange sensation, véhiculée par l'odeur de Tania. Et pour parler, sortir de cette solitude qui lui pesait tant.

Quelle réponse incongrue. Cet homme ne savait-il donc pas d'où il venait? De qui il tirait ce pouvoir et cette capacité à changer de peau ? SErait-il indigne ? Serait-il.... "bête" ? Élevé par une humaine, quelle chose futile. Serait ce donc l'odeur de l'homme qui s'atardait sur sa peau ? Hum ....

- Mère est tout et Mère n'est rien. Si tu ne sais pas qui elle est, c'est que tu n'as jamais été bercé par ses bras et embrasser par son don. Pourtant je te sais mon frère... Tu es bien étrange ... regarde, Mère est avec nous en se moment, si tu peux te concentrer elle viendra en toi ....

Ce faisant, elle laissa le fameu don couler en elle comme une eau pure et fluide et s'emparer de sa main qu'elle sentit muter, s'allonger et se couvrir d'un fin duvet sombre. Le plus "douloureux" resta les griffes qui percèrent la peau de ses doigts, faisant légèrement saigner ses cuticules maltraités. Délicieuse agonie. Dommage qu'il ne regarde pas, préférant fuir vers l'élément liquide puis revenir à elle. Il lui demanda si elle venait profiter du clair de lune. Question somme toute idiote et rhétorique. Mais autour de lui planait l'odeur d'un malaise, ver putride dans ses entrailles. Etait ce d'elle qu'il avait "peur" ou bien de lui même? Saan répondrait bien que cela ne l'a regardait pas, mais pour le moment il sommeillait au loin. a elle donc de tout décider.

- En quelque sorte .... répondit-elle du bout des lèvres, disons aussi que comme certains drogués ont besoin de leurs drogue, moi j'ai besoin du "clair de lune" .... je le sens monter en moi pas vous ? Ne sentez vous pas ce pouvoir couver dans vos reins comme un orgasme en suspens? Se détacher par salve dans vos muscles, votre sang, la plus petite parcelle de votre être et finalement vous arrachez à ce corps contre le plaisir de ses instincts ?

Au fur et à mesure, elle se rapprocha de lui, son corps ondulant, sa voix baissant dans les graves, roucoulant comme s'ils se trouvaient dans un lieu intime, poussant même le vice jusqu'à faire glisser l'une de ses griffes comme la peau de son avant bras, comme une provocation, ne le quittant pas des yeux.

Arandjel secoua doucement la tête, déstabilisé par l'étrangeté des paroles de la jeune femme. Bercé par ses bras et embrassé par son don... ? Il passa lentement sa main sur son visage. La concentration nécessaire pour se maîtriser et rester sous sa forme humaine le fatiguait bien plus qu'à l'accoutumée. Serait-ce la présence de sa soeur - puisqu'elle avait décrété qu'il était son frère ? Visiblement, elle était bien plus à l'aise que lui dans sa... double peau. Parfaitement à l'aise, contrairement à lui, qui ne cessait de rejeter sa part animale. Il sursauta, étonné par ses propres pensées. Comme s'il se condamnait de refuser le loup en lui. Pourtant... Sans savoir pourquoi, le jeune loup garou se mit à parler.

"Dites-moi... Comment faites-vous pour accepter cela si facilement ? Peut-être... Êtes-vous née... comme cela ? Mon pouvoir me fait peur. Je n'ai rien choisi, et ce... "don", comme vous dites, m'a été imposé, m'a forcé à tout quitter, tout ce que j'aimais... J'ai peur de perdre le contrôle de moi-même, de blesser ceux qui sont autour de moi..."

Il avait peu à peu dévié sur ses sentiments personnels, toujours sans tourner les yeux vers elle, le regard plongé dans l'eau mouvante. Tout son corps frissonna lorsque Tania fit glisser sa griffe le long de son bras. Les paroles de la jeune femme résonnaient dans sa tête. Mais toutes ces sensations, décuplées par ses sens animaux qui commençaient à se manifester, l'empêchaient de garder la tête froide. Il perdait le contrôle, lentement mais sûrement, et cette idée ne lui plaisait pas du tout, même si, étrangement, il ne parvenait à se résoudre à réagir.

"Je ne sais plus ce que je veux... Tania... Qu'est-ce qui est bien ?"

Il lui parlait, il se confiait à elle comme si elle pouvait être une quelconque oreille compatissante et compréhensive. Née ainsi ? Non. Non elle n'était pas née ainsi, elle l'était devenue. Devenue après ..... Après ..... Après .... Un tic nerveux déformant son visage, le froissant comme on froisse une feuille de papier. Son corps se crispa et elle manqua planter ses griffes dans le bras de l'homme. Mais par un quelconque miracle elle ne le fit pas, elle réussit à le laisser finir, parler et quelque part déprimer. Cependant elle préféra se reculer, enlaçant son corps nu par ses bras comme pour se protéger d'un froids inexistant. Elle sentait son sang pulser sous elle et faire affluer les souvenirs qu'elle tapissait au fonds d'elle, des souvenirs que Saan bloquait pour elle.
"Je ne sais plus ce que je veux... Tania... Qu'est-ce qui est bien ?"
Affolée, elle le regarda à nouveau. Bien. Comment savoir ce qui était bien ? Pourquoi lui posait-il ce genre de questions ? Elle ne pouvait pas en discuter, elle ne le pouvait pas ....

- Je .... Je .... Je ne suis pas née ainsi, je le suis devenue après ..... elle bug, incapable de débloquer cette partie de son inconscience qui lui criait de ne pas le faire, de ne pas chercher à se souvenir. Je ne sais plus, Saan ne veux pas que je m'en souvienne .... Il sait ce qui est bon pour moi, il me protège .....

Soudainement fragile elle s'assit contre le tronc d'un arbre, enroulant ses bras et ramenant ses genoux contre son menton.

- Il ne faut pas réfléchir .... Il faut accepter de laisser le don nous chevaucher .... C'est si ..... Salvateur ..... Ne plus .... penser, vivre simplement et oublier, oublier ..... Rien n'est plus merveilleux que l'oubli

Elle plissa les yeux, elle avait envie de changer là maintenant tout de suite.

- Suivez moi, il faut que je me change tout de suite ....